Dany était notre petit voisin. Il habitait avec sa famille une ferme à cinq cents mètres de chez nous. Il avait un an de plus que moi, mais c'était mon petit copain et nous aimions jouer ensemble. Il avait un vélo, ce qui était rare à l'époque pour les jeunes enfants.
C'était pendant les vacances de Pâques. Un matin son grand-père l'a envoyé au village pour acheter un paquet de tabac. Les hommes à la campagne fumaient la pipe, ou bien roulaient leur cigarettes avec du tabac gris.
Le village était à quatre kilomètres. Au bout du chemin, il fallait tourner à droite sur la nationale. Dany avait l'habitude, mais ce jour-là, une grosse voiture noire, conduite par un médecin de la ville est arrivée au bout du chemin juste au moment ou Dany débouchait sur la nationale. Le choc était inévitable...et fatal.
Ma soeur a déboulé dans la grande pièce à vivre en criant : Dany est mort! Dany est mort!
Moi, du haut de mes huit ans, j'ai pensé à ce que nous avait expliqué le vieux curé au catéchisme : A la mort, le corps redevient poussière. Et j'ai imaginé mon petit copain réduit à un petit tas de poussière sur le bord de la grande route. Je suis partie en courant, un énorme cri coincé dans ma gorge. Je suis allée me cacher dans un buisson et j'ai pleuré, sans pouvoir m'arrêter. Personne n'a remarqué mon absence. Quand je suis revenue, livide, ma mère a dit : - où étais-tu encore passée, toi? Je n'ai pas répondu. Toute la semaine qui a suivi j'ai été aphone. Le cri que je n'avais pas pu poussé, encore coincé dans ma gorge.
