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Je n'avais pas encore cinq ans quand j'ai fait sa connaissance.  C'était au début du mois de juin. Il était arrivé sur son vélo, à notre petite maison, en pleine campagne à l'orée d'un bois. Il voulait parler à mes parents de la scolarité de ma soeur aînée qui ne travaillait pas très bien à l'école. 

C'était un gros homme jovial en qui j'ai eu tout de suite confiance, moi qui était plutôt sauvage avec les étrangers. Je suis allée m'asseoir près de lui, sur le banc, à la grande table familiale. Je savais que les enfants n'avaient pas le droit de participer à la conversation des adultes ni de les interrompre, mais j'en ai pris le risque. De toute manière, j'avais l'habitude d'être battue pour un oui ou un non par ma mère, alors... j'ai posé ma petite main sur celle du maître pour attirer son attention et j'ai dit :

-  Je veux aller à l'école.

Il a répondu :

-  c'est bien ma petite, mais quel âge as-tu? 

-  Bientôt cinq ans! 

-  Tu es trop jeune, il faudra attendre l'an prochain.

-  Non! je ne veux pas attendre!

Ma mère me fusillait du regard et mes soeurs pouffaient.

Alors, le maître a dit :

-  Toi, tu sais ce que tu veux! ça me plaît!  Ecoute, je vais voir si c'est possible, je vais réfléchir et voir avec l'Inspecteur.

Après son départ, ma mère m'a giflée en disant que je lui faisais honte. Mais

j'avais gagné! A la rentrée je suis allée à l'école.

Monsieur Roger était un maître formidable qui appliquait des méthodes de type "Montessori", un précurseur, dans un petit village campagnard.

Je n'étais pas très disciplinée, mais il savait me ramener gentiment à ma place et surtout, il a compris mon goût d'apprendre.

Un jour où mon camarade de table m'embêtait, j'ai sorti l'encrier de son logement et je l'ai renversé sur son cahier. Furieux, il m'a poussée de mon banc et je me suis retrouvée par terre. Il a été puni, pas moi. Le maître n'a jamais voulu le croire. Ce jour là j'ai compris que les adultes aussi pouvaient se tromper et être injuste, mais j'en voulais trop à ce garçon pour démentir!

A la fin de l'année, Monsieur Roger avait organisé une super fête où tous les enfants, y compris moi, la toute petite,  représentaient les provinces de France, avec des costumes en papier crêpon. J'avais choisi de représenter l'Alsace que je ne connaissais pas mais dont je trouvais le costume joli.

Le maître avait fait venir des mongolfières et j'étais très impressionnée. mais ma jeune soeur qui était jalouse de ne pas participer à la fête a déchiré mon beau tablier. Pour moi la fête était finie. Ma mère m'a déposée, en pleurs, chez Madame Hélène qui m'a préparé un chocolat et m'a fait cadeau d'un joli châle de laine beige que j'ai gardé très longtemps.

A la rentrée suivante, nous avions déménagé et j'ai changé d'école, mais je n'ai jamais oublié Monsieur Roger qui était un homme juste... quand il ne se trompait pas de coupable!





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